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L’histoire de Dora, première des « Cinq Psychanalyses » publiée par
Freud en 1900 est bien connue mais mérite cependant qu’on en reprenne
les détails.
Cet échec retentissant transformé
par le génial illusioniste en cas paradigmatique de la cure
psychanalytique fait l’objet d’un long récit qui éclaire surtout la
personnalité de Freud.
Pour Freud il s’agit d’une « petite
hystérie avec symptômes somatiques et psychiques des plus banaux :
dyspnée, toux nerveuse, aphonie, peut-être aussi migraine ; avec cela
dépression, humeur insociable hystérique et dégoût probablement peu
sincère de la vie ».
Depuis, le Cas Dora a été revisité par les exégètes de tous poils ; il a même inspiré les dramaturges et les poètes.
S’agissait-il vraiment d’hystérie ?
Autrement dit : de l’expression symbolique d’un conflit psychique
touchant à la sexualité ; ou simplement de dystonie neurovégétative :
troubles fonctionnels dus à une exagération de réactions physiologiques
dues à l’émotion ?...
Freud, évidemment, met tout son art
à prouver l’hystérie de Dora, symptôme névrotique, c’est-à-dire : « formation de compromis entre désir sexuel inconscient et exigences internes opposées ».
Voici, pour lui, la preuve de l’hystérie :
Les parents de Dora se sont liés
avec un couple, les K. (Zellenka, de son vrai nom) qui ont deux petits
enfants dont Dora s’occupe avec sollicitude. Un jour (Dora n’a que
quatorze ans) Monsieur K., dont le magasin se trouve bien placé pour
assister à une solennité religieuse, invite sa femme et Dora à s’y
rendre. Mais il s’arrange pour éloigner sa femme et renvoyer les
employés. Seul avec Dora, il ferme le rideau de fer et se jette sur
elle pour lui infliger un baiser appuyé ; baiser fortement imprégné de
tabac, nous dit-on. Dora « éprouve un dégoût intense
» et se sauve. Elle ne parle pas de la scène à ses parents, mais évite
de se trouver seule avec K. et refuse de les accompagner en excursion.
Après cet événement Dora, qui
mangeait difficilement, présente une aversion pour certains aliments.
D’autre part, elle fuit la vue des couples enlacés.
Ensuite, tout semble oublié. Dora
est liée d’une tendre amitié avec Madame K. pour qui elle a une
adoration. (Elle ne sait pas encore qu’elle est la maîtresse de son
père). Mr. K.
comble l’adolescente de cadeaux. Son père aussi d’ailleurs ; ce riche
industriel en fait autant avec sa femme afin de se faire pardonner ses
prodigalités envers Mme. K.
Deux ans se passent. Un jour (Dora
a donc seize ans) Monsieur K. entraîne la jeune fille dans une
promenade au bord d’un lac et se fait de nouveau pressant, lui disant
que sa femme « n’était rien pour lui
»... (Détail piquant pour le milieu et l’époque il lui roule une
cigarette !). Cette fois, Dora le gifle et se sauve. Le lendemain Mr.
K. tente de la surprendre quand elle fait la sieste dans sa chambre, à
la suite de quoi Dora se procure une clé pour s’enfermer, mais la clé
disparaît.
Elle refuse désormais de rester
dans la maison des K. et exige de repartir avec son père (qui lui
était à l’hôtel où Mme. K. venait le retrouver). Deux semaines plus
tard elle raconte la scène à ses parents. Le père demande des
explications à K. lequel nie farouchement, accusant Dora d’affabulation
et invoque la perversité sexuelle de la jeune fille. (K.reconnut plus
tard publiquement le bien fondé de ses dires)
Dans le même temps, Dora perd ses
dernières illusions sur la nature des relations de Madame K.(l’amie
adorée, la confidente, le modèle.) avec son père qui se révèle du même
coup comme un être non seulement volage mais menteur, égoïste et lâche.
Dora se rend compte qu’il l’a livrée en otage à K. pour avoir les mains
libres avec sa femme. Elle exige leur séparation. Le père refuse.
La jeune fille rompt définitivement avec le ménage.
Freud s’obstine à nous dépeindre ce
monsieur K. comme avenant, agréable, délicat, généreux, attentionné,
écartelé entre des intentions matrimoniales évidentes envers Dora et un
tendre amour pour ses deux enfants, seul obstacle à son divorce. (Alors qu’il avait, quelques jours avant la scène du lac, séduit la
jeune gouvernante des enfants en l’assurant, comme Dora, que sa femme «
n’était rien pour lui »...)
Tandis que Dora, elle, est à
l’évidence hystérique, sinon comment expliquer sa réaction de dégoût
lors du baiser dans le magasin ? « Il
y avait bien là de quoi provoquer chez une jeune fille de quatorze ans
qui n’avait encore été approchée par aucun homme, une sensation nette
d’excitation sexuelle », s’étonne Freud. Plus loin, il professe qu’il tient
« sans
hésiter pour hystérique toute personne chez laquelle une occasion
d’excitation sexuelle provoque surtout ou exclusivement du dégoût, que
cette personne présente ou non des symptômes somatiques » . Juste avant il écrit que « le comportement de l’enfant de quatorze ans est déjà tout à fait hystérique
(Que d’hystériques, alors, dans le monde : toutes ces petites filles
abusées par des adultes, blessées parfois à vie, jamais réconciliées
avec la sexualité !) Au lieu de mettre en procès les violeurs, dont le
péché est somme toute véniel puisqu’ils ne font qu’obéir à une pulsion
naturelle, ne devrait-on pas plutôt psychanalyser les petites filles
jusqu’à ce qu’elles aient reconnu leur hystérie ?...
Mon argument est exactement
celui des contemporains de Freud, choqués,(même ses meilleurs amis)
par la publication du cas Dora. Classique phénomène de « résistance » a
diagnostiqué Freud. Mais en quoi un siècle de lavage de cerveau
enlève-t-il quelque chose au bon sens des résistants de l’époque ?
Et il n’y a pas que cela
d’odieux dans ce texte. C’est un véritable procès à charge qui est fait
à la jeune fille, bafouant les règles déontologiques les plus
élémentaires. D’abord, la publication de
l’observation sans l’autorisation de la patiente. Freud nous explique
avec cynisme qu’en cette matière scrupules et timidité ne sont pas de
mise, du moment que la divulgation doit servir la science . Pourtant il
est « certain que les malades
n’auraient jamais parlé s’ils avaient pensé à la possibilité d’une
exploitation scientifique de leurs aveux et c’est en vain qu’on leur
aurait demandé l’autorisation de les publier ». Mais il est d’avis que les devoirs envers la science ont priorité sur les devoirs envers les malades. Partant de là « la
publication de ce qu’on croit savoir sur la cause et la structure de
l’hystérie devient un devoir, l’omission, une lâcheté honteuse ».
Notons au passage l’abus qui est fait du mot science . Assertion scientifique reposant sur des formules aussi floues que « ce que l’on croit savoir » ou « on est en droit de supposer » ; « elle éprouva sans doute... » « nous trompons-nous si nous admettons que... ». Ou ce commentaire sur le compte-rendu « pas absolument fidèle... mais prétendant à un haut degré de véridicité ». Ou encore « Je pus tirer de l’analyse une partie de ce matériel ; je dus suppléer au reste par mes propres moyens
». Freud compare sa "science" à celle de l’archéologue qui, à partir
de quelques fragments peut se permettre d’extrapoler à l’ensemble. Ce qu’il oublie c’est que
l’archéologue appartient à un corps, à une discipline qui a une
histoire et que ses découvertes sont soumises à une vérification
collégiale.
Au fil de l’exposé Freud est
convaincu par son propre bagout ; alors au diable les précautions
oratoires ! « A ce moment, écrit-il, commentant le deuxième rêve de Dora, mon soupçon se mua en certitude. La gare et le cimetière à la place des organes génitaux, voilà qui était assez clair ». De même que, malgré les dénégations de Dora, il a « la preuve indubitable de la masturbation infantile », les indices sur lesquels il se fonde étant des détournements de renseignements donnés par la patiente.
Les certitudes font loi ; et
Freud entend que sa patiente se conforme à la loi. Elle peut toujours
clamer son innocence, il emploie à son encontre un vocabulaire de
tribunal, comme les mots « aveux » ou « soupçon » ou des expressions telles que « vous n’avez pas le droit de...
». A l’intention de ceux qui me taxeraient de paranoïa, (cela vient
très vite dans le milieu Psy) j’ajouterai cette citation qui se trouve
à la page 43 de ‘’Cinq psychanalyses ‘’ : « Elle se souvint tout à coup de l’anniversaire de Mr. K., fait que je ne manquai pas d’utiliser contre elle. »
La méthode de Freud, dans les
cas où les faits le contredisent est celle du conquistador Il remplace
alors le développement tranquille d’un discours argumenté par une pluie
d’affirmations outrées. Procédé bien connu des leaders à succès (comme
des camelots, d’ailleurs).
Le lecteur étant mûr (à
moitié K.O), il ne reste plus au prestidigitateur assuré de sa
complicité que de le faire entrer dans le jeu comme co-rédacteur du
récit : « Toutes les déterminations que nous avons trouvées... » écrit-il. Plus loin : « Nous avons eu des raisons de compléter le récit.... ».
Le projet de publication était
présent au moment de l’analyse. Il fallait donc que Dora se conforme en
tous points à son rôle illustratif de la théorie (déjà très élaborée
puisque Freud n’a pratiquement rien changé quand il préfaça et annota
l’édition de 1923).
Cette théorie nous est résumée
à partir de deux rêves abondamment interprétés autour desquels tourne
tout le fragment d’analyse.
Au début de la cure Dora "
marche ". Elle marche si bien que sa vie fantasmatique sexuelle est
dévoilée au médecin sans difficultés ni réticences particulières. Elle
"apporte" consciencieusement ses rêves et associe intelligemment à
leur sujet suivant les directives de Freud.
Le premier rêve analysé est un
rêve à répétition dont la première édition a lieu quelques jours après
la scène du lac. Le voici tel que Freud le relate : « Il
y a un incendie dans une maison, me raconte Dora, mon père est debout
devant mon lit et me réveille. Je m’habille vite. Maman veut encore
sauver sa boîte à bijoux, mais papa dit : "Je ne veux pas que mes deux
enfants et moi soyons carbonisés à cause de ta boîte à bijoux." Nous
descendons en hâte, et aussitôt dehors je me réveille. »
Freud propose à Dora de
substituer au père debout devant son lit, Monsieur K. debout devant sa
chaise-longue. Dora acquiesce. Freud demande maintenant d’associer au
sujet de la boîte à bijoux
- Maman aime beaucoup les bijoux et en a reçu beaucoup de papa.
- Et vous ?
- Autrefois
j’aimais aussi beaucoup les bijoux ; depuis ma maladie, je n’en porte
plus. Il y a eu aussi voici quatre ans... une grande dispute entre papa
et maman au sujet d’un bijou. Maman avait envie d’un certain bijou :
des perles en forme de gouttes comme boucles d’oreilles. Mais papa ne
les aime pas et lui apporta un bracelet au lieu de perles. Furieuse
elle dit que s’il avait dépensé tant d’argent pour un objet qui lui
déplaisait, il pouvait en faire cadeau à une autre.
- Alors, vous avez probablement pensé que vous le prendriez volontiers ?
- Je ne sais pas. (En note : Façon habituelle qu’elle avait alors d’accepter une pensée refoulée) . J’ignore d’ailleurs pourquoi maman entre dans ce rêve, puisqu’elle n’était pas à L... avec nous.
(Dans une deuxième note Freud affirme que cette formulation – associée
à d’autres indices – est la preuve d’un matériel ayant été très
fortement refoulé).
- Je
vous expliquerai plus tard. Est-ce que rien d’autre ne vous vient à
l’esprit à propos de la boîte à bijoux ? Jusqu’à présent, vous n’avez
parlé que de bijoux et vous n’avez rien dit de relatif à la boîte.
- Oui. Monsieur K. m’avait fait cadeau, quelque temps auparavant d’un très précieux coffre à bijoux.
- Il
n’aurait donc pas été déplacé de faire un cadeau en retour. Vous ne
savez peut-être pas que "coffret à bijoux" est une expression
volontiers employée pour désigner la même chose que... les organes
génitaux féminins ».
(Freud voulait-il dire par là
que K. avait payé assez cher pour la virginité de Dora avec ce cadeau,
et qu’elle avait été ingrate de la lui refuser ?...)
C’est ce que Dora dut
comprendre car, à partir de ce moment elle ne suit plus aussi
volontiers son analyste dans sa quête de métaphores sexuelles.
- Je savais que vous alliez dire cela, dit la fine mouche. (Réponse qualifiée par Freud de « manière très fréquente d’écarter une connaissance surgissant dans l’inconscient »).
En réalité, par cette phrase,
Dora reprend en quelque sorte son destin en main, récuse le rôle de
subordination qui lui est assigné. Elle est aussi maligne que Freud et
celui-ci ne le supporte pas. De quel droit ne se comporte-t-elle pas
comme une vraie hystérique, c’est-à-dire menée par son inconscient .
Elle n’est pas là pour faire l’esprit fort !...
A partir de là Freud gratifie
sa patiente d’un festival interprétatif d’où il ressort que : si elle
se trouve à la merci de Monsieur K. c’est la faute de son père mais
alors pourquoi, dans le rêve, papa figure-t-il comme un sauveur ? Très
simple : parce que « dans cette région du rêve, tout en général est transformé en son contraire ». Ainsi, que fait maman dans le rêve ?... « Elle
est, vous le savez, votre ancienne rivale auprès de votre père. Lors de
l’incident du bracelet, vous auriez volontiers accepté ce que votre
maman avait refusé. Maintenant, essayons de remplacer "accepter" par
"donner" ; "repousser" par "se refuser" Cela signifie que vous
étiez prête à donner à votre père ce que votre mère lui refusait, et ce
dont il s’agit aurait eu quelque rapport avec des bijoux ».
Il faut intercaler ici
l’explication de la perle en forme de goutte, donnée un peu plus tard
dans le récit et qui nous conduit dans un dédale bachelardien où le feu
et l’eau, ennemis dans la réalité, sont unis dans l’amour : allusion à
l’incendie du rêve. Mais comme pour évacuer toute poésie – dont la
science n’a que faire – l’eau se rapporte à l’urine, ce qui permet
d’introduire le frère dans ce rêve, puisqu’il a souffert longtemps
d’incontinence, et de découvrir que Dora, elle aussi, a fait pipi au
lit vers sept ans. Il n’en faut pas plus pour traquer les "gouttes"
de Dora qui avoue souffrir de pertes blanches. Cette piste conduit à la
syphilis du père, à la blennorragie que sa mère alla soigner à
Franzenbad en compagnie de sa fillette et, bien entendu, au sperme de
Monsieur K. (Ne faudrait-il pas beaucoup, beaucoup d’imagination à
l’inconscient pour associer toutes ces humeurs à des gouttes, et
surtout à des perles ?...)
On revient donc à Monsieur K.
mais les idées sont maintenant parallèles et non pas transformées en
leur contraire. « Monsieur K. doit
être mis à la place de votre père. Monsieur K. vous a donné une boîte à
bijoux, vous devriez donc lui donner votre boîte à bijoux ; c’est pour
cela que j’ai parlé tout à l’heure d’un cadeau en échange ». (Plus de doute : pour Freud, Dora est bien une putain). « Dans ce rêve il faut aussi remplacer la maman par Mme. K. qui, elle était présente ». Dora est donc « prête à donner à Mr. K. ce que sa femme lui refuse ». C’est là « l’idée qui doit être refoulée avec tant d’efforts, qui rend nécessaire l’intervention en leur contraire de tous les éléments
». Cette idée réveille donc l’ancien amour de Dora pour son père afin
de se protéger contre la tentation de céder à Mr.K., confirmant ainsi,
dit Freud, « l’intensité de votre amour pour lui ».
Désabusé, il écrit : « Elle ne voulut naturellement pas accepter cette partie de l’interprétation ».
A ce point du récit, Freud
écrit dans une note de la première édition (pourquoi en note ?) qu’il
ajouta encore ceci : « Il me faut
d’ailleurs conclure... que vous avez décidé de ne plus vous prêter à
une cure à laquelle seul votre père vous a décidé à recourir ».
A la suite de cette note, Freud reconnaît qu’il n’a pas donné assez d’importance au ‘’transfert’’
dans cette cure. Cependant il reste persuadé, mais le garde pour lui,
du désir inconscient de Dora d’un nouveau baiser enfumé, le sien, grand
fumeur de cigares (!)
Freud livre là un combat
d’arrière-garde. Il a deviné qu’elle ne va plus se prêter à la cure. Il
sait l’inanité de son matraquage interprétatif du point de vue de la
thérapie. Mais, comme il l’a écrit dans son introduction, sa
contribution à la science psychanalytique est plus importante que la
guérison de Dora. Il parle, en quelque sorte à la cantonade, espérant se rappeler tout cela (car il ne prend pas de notes) quand il rédigera le compte-rendu.
Dans ces conditions, pourquoi
s’entêter à publier cette observation-là, alors qu’il recevait six à
huit patients par jour ?...
Derrière l’explication
technico-déontologique qu’il donne, on peut apercevoir son propre
fourmillement inconscient, à lui, Freud. En plein dans son auto-analyse
il avait à régler son conflit sentimental avec son grand ami Fliess qui
se termina par la brouille définitive.
Les sentiments hostiles de Freud à l’égard de Dora n’ont pas échappé à ses hagiographes les plus zélés. Ils parlent alors de contre-transfert négatif. (Ce qui veut dire plus simplement qu’il était terriblement vexé !)
Le secret de Dora semble avoir
été gardé pendant vingt ans. Aujourd’hui on sait à peu près tout sur le
destin d’ Ida Bauer. La jeune fille se maria, eut un fils, émigra au
début de la guerre aux Etats-Unis où elle mourut vers la soixantaine
d’un cancer du colon. Malheureuse en ménage, elle passa sa vie à se
plaindre de différents maux, tyrannisa son entourage, en particulier
son fils dont les fréquentations féminines la rendaient très anxieuse.
J’ai relevé dans cette
observation clinique ce que j’ai trouvé reproduit presqu’à l’identique
chez certains psychanalystes que j’ai rencontrés dans le passé. En
particulier cette façon (qui me fait toujours pensé à la fable Le loup et l’agneau) d’avoir toujours raison.
Quand Dora dit "oui" à une
interprétation, c’est pris comme argent comptant, mais s’avise-t-elle
de dire "non" ou "je ne sais pas" ou de raisonner tant soit peu,
alors aussitôt la batterie de missiles anti résistance est mise en
place. On n’attend plus rien de sa bonne volonté, sinon qu’elle réduise
au silence tout ce qui affleure à sa conscience, afin de prêter
l’oreille aux borborygmes du Grand Dieu Inconscient que seul, lui,
Freud, a su déchiffrer.
Chacun arrive avec son
histoire qu’il croyait avoir lui-même vécue. Mais Freud-Champollion
enlève la poussière d’amnésie et c’est toujours le même texte qu’il
déchiffre. C’est ce qu’il appelle "science". Cette dénégation de la
vérité de l’autre me paraît ce qu’il y a de plus inadmissible dans la
Psychanalyse parce qu’elle rappelle les méthodes de tous les
totalitarismes. Dans le catéchisme de mon enfance il y avait cette
assertion suivant laquelle tout le monde croyait en Dieu, ceux qui
prétendaient le contraire étant des "insensés ou des imposteurs".
Insensés et imposteurs aussi étaient les contestataires du régime
soviétique qui se retrouvaient en asile psychiatriques !
Mon argument n’est pas nouveau
et la Psychanalyse a depuis longtemps concocté sa parade, (elle est
déjà dans le Cas Dora) : "
Mais, vous êtes absolument libre d’interrompre votre cure. "En fait,
c’est comme si, de nos jours en France, on disait à un demandeur
d’emploi qui se plaint de l’ex ANPE : "Mais vous êtes absolument libre
d’aller ailleurs !".
On vous faisait aussi remarquer que les malades (pardon, les analysants
!) finissaient, non pas par guérir, ce qui serait de l’ordre de la pure
trivialité, mais par reconnaître en eux les manifestations annoncées de
l’inconscient universel.
Et puis, on ne veut rien vous
imposer, mais non ! d’ailleurs c’est vous qui parlez. Nous dans votre
dos, neutres et bienveillants , nous gardons le silence. Nous ne pensons pas à autre chose, croyez-le bien, mais notre attention est flottante
(c’est-à-dire que dans notre demi-sommeil seuls les propos qui
traversent la grille de lecture adéquat ont le don de nous mobiliser).
Nous sommes des cheminots discrets qui ouvrons ou fermons au bon moment
les aiguillages pour laisser passer le train de vos pensées. Seulement,
on se retrouve toujours à Freud-City ou à Lacan-Park !
Il y a quelques années, avec
de tels propos, on faisait immédiatement figure d’"insensé" ou d’"
imposteur ". L’auditeur, imprégné jusqu’aux moelles sans le savoir par
la vulgate, adoptait immédiatement la forme d’écoute orthodoxe, faite
de méfiance et de suspicion, puis de désintérêt total pour ce qui est dit au profit exclusif du pourquoi on le dit.
Aujourd’hui, cela paraît moins
iconoclaste. Il est peut-être possible de dire que le freudisme est une
doctrine, une idéologie comme les autres qui passera de toute façon un
jour.
Est-ce à dire qu’il faut avoir
les yeux de l’enfant du conte d’Andersen et se mettre à prétendre que
le Roi est complètement nu ? Certainement non.
Il existe encore des profils
psychologiques proches de ceux qu’analysait Freud ; . Mais surtout, il
y a dans le discours freudien un tel foisonnement d’idées entrevues,
d’hypothèses ébauchées, de théories exogènes subtilisées, d’intuitions
exprimées à tout hasard, qu’il n’est pas possible que certaines vérités
n’aient pas été mises à jour. C’est ce que j’appelle "l’effet
harmonica". Parmi toutes les notes jouées en même temps, se trouve
peut-être la bonne. Pas forcément, hélas, celle qu’il a mise en
évidence.
Mais Freud s’est voulu chef
d’école. Pour les raisons de clarté didactique il a du dégager un fil
conducteur, formalisé par un discours logique, sur un corpus de
concepts imagés, extrêmement prégnants, comme savent le faire tous les
grands créateurs. Qui osera dire que Sherlok Holmes, Eugénie Grandet ou
le capitaine Nemo n’ont pas existé ?... Ou qu’Œdipe n’a pas désiré sa
mère ?...
Il y a certainement chez Dora
un "problème sexuel" comme on dirait aujourd’hui. Sans aller jusqu’à
affirmer comme Freud « que la preuve indubitable de la masturbation
infantile est faite » (ce que la patiente dénie) tout laisse penser
que sa sexualité fut tôt éveillée. Son intelligence précoce mise au
service d’une vigilance excessive à l’égard d’un entourage extrêmement
anxiogène, aura favorisé une hypersensibilité fragilisante.
Un des axiomes de la
Psychanalyse consiste à situer dans le refoulement sexuel infantile
l’étiologie de l’habitus anxieux. Pourquoi ne pas envisager la
situation inverse où l’excitation de la sphère uro-génitale peut être due à un état de stress ?
Dora vit dans un climat de
grande insécurité : père brillant, chaleureux, admirant sa fille dont
il fait sa confidente, donc sans autorité, la gâtant excessivement,
mais souvent absent et surtout malade, (les maladies pouvant présenter
un caractère psychiatrique).Mère inintelligente, sans culture, ménagère
obsessionnelle; maniaque de la propreté elle laissait aussi les
fenêtres ouvertes été comme hiver (peut-être une raison simple pour la
toux de Dora !) Mésentente conjugale. Déménagement dans les jeunes
années entraînant la rupture d’avec la famille viennoise qui
semble-t-il constituait l’unique cercle relationnel de la petite fille.
Freud considère l’éducation de
Dora comme « d’un niveau intellectuel et moral élevé ». Certes,
adolescente, elle fait des études (sans doute artistiques) mais au
point de vue moral, disons que les repères pour cette enfant doivent
être plutôt flous. Les Bauer, juifs de la bourgeoisie marchande,
complètement assimilés, se lient intimement avec un couple douteux :
les K... Une femme aux mœurs libres qui néglige ses deux enfants,
intéressée (d’après Dora) qui, à la première occasion trahit la
confiance d’une adolescente qui en avait fait son idéal ; un commerçant
prenant prétexte d’une cérémonie religieuse (catholique je suppose)
pour abuser d’une enfant ; l’un et l’autre acquis à l’éventualité d’un
divorce, fait singulièrement atypique sous la monarchie des Habsbourg.
Et, pour compléter le tableau, présence chez les Bauer d’une
gouvernante égoïste, hypocrite et vicieuse qui, elle aussi, trahit
Dora.
A la décharge de K. on peut
penser que la petite Dora, élevée dans ce climat où la sexualité semble
être une modalité relationnelle privilégiée, devait être inconsciemment
un peu allumeuse.
Freud s’obstine à plaquer sur
elle un modèle d’hystérique vertueuse, dans le genre d’Anna O... la
célèbre patiente de Breuer amoureuse de son père, mais d’un amour
oblatif, sacrificiel, forme d’amour dont Sigmund est également gratifié
par l’unique partenaire de sa vie sexuelle, (du moins avant les
quelques extra avec sa belle-soeur) son épouse, la très peu hystérique
Martha. N’ayant, semble-t-il pas d’autres références, il crédite Dora
du même type de tendresse envers son père comme envers Mr. K. Or, rien
dans la biographie d’Ida Bauer n’indique une quelconque générosité.
Tout montre , au contraire, un fond d’égocentrisme. Enfant gâtée et
flattée par son père, méprisante pour sa mère, tous ses symptômes
concourent à lui donner de l’importance, à attirer l’attention sur
elle. (Bénéfice secondaire selon Freud).Elle voudrait exister pour
elle-même et non dans l’ombre d’un autre. C’est bien là son drame.
Dora avait un frère d’un an et
demie son aîné qu’enfant elle avait pris comme modèle ; or voilà qu’à
la période scolaire, cette enfant précoce le rattrapa par ses résultats
(fait assez fréquent chez les filles). Elle était également sportive et
bien constituée puisqu’elle le suivait facilement dans ses excursions.
Jusqu’au jour où, vers huit ans, les avatars de la croissance lui
jouèrent un tour qu’elle n’avait pas prévu : elle ne fut plus capable
de suivre son frère de neuf ans et demie. De là date une providentielle
entorse et sa première crise d’asthme nerveux (attribué à l’époque au
surmenage).
Cette enfant intelligente et
sensible aurait eu besoin de tuteurs solides qui lui auraient permis de
renoncer sans crises à la concurrence stérile avec son frère. Elle
aurait eu besoin d’une figure maternelle à laquelle s’identifier et de
l’image d’un père fiable, et non de cet être volage portant dans sa
chair les stigmates d’une vie dévergondée. D’autre part, qui autour
d’elle aurait pu jouer un rôle d’adulte exemplaire ?... Il semble que
le couple (jusqu’à la rencontre avec les K.qui étaient en quelque sorte
"de la famille" par le mode de vie) ne fréquentait que des parents. La parentèle maternelle étant
sans doute jugée insignifiante, Dora se sentait plus d’affinités avec
les oncles et tantes paternels, brillants mais malheureusement très
névrosés. Elle faisait des études ; elle aurait pu rencontrer dans ce
milieu des exemples à suivre, mais c’est une enfant gâtée habituée à la
facilité, non à l’effort et à la compétition. N’y a-t-il pas dans son
cas une sorte de "paresse" à céder à la maladie ?...(Freud
reconnaissait dans une note de 1923 cette tendance qu’il appelle « profit primaire »).Mais à l’origine des phénomènes hystériques il y a
surtout – et Freud y insiste – une « complaisance somatique ». On ne peut pas jouer de
toutes les parties de son corps comme d’un instrument, mais certaines
personnes ont accès à des cordes qui échappent aux autres. Parmi ceux
qui ont ce don il y a plusieurs registres. Au sommet de la hiérarchie,
celui des opérations volontaires : remueurs d’oreille, pétomanes,
ventriloques, fakirs etc. Vient ensuite la zone des opérations
involontaires mais sur lesquels on peut éventuellement avoir prise,
comme les tics, la gestuelle accompagnant l’expression orale, le
mimétisme ou imitation des faits et gestes d’autrui. Enfin, les
opérations involontaires tout à fait inconscientes dont les phénomènes
hystériques sont les plus spectaculaires.
Il est certain que Dora
possède cette faculté de jouer inconsciemment de son corps,
privilégiant les manifestations pathologiques dont elle a constamment
l’exemple. Ainsi, la relation du cas nous apprend qu’elle a "imité"
tour à tour : les maladies infantiles de son frère (à moins qu’il n’y
ait là une coïncidence), son incontinence tardive, la toux et la
dyspnée de son père, les maux d’estomac d’une cousine, l’appendicite
d’une autre, la leucorrhée et la constipation de sa mère.
Cette "complaisance somatique" exemplaire est tout à fait caractéristique de ce qu’on appelait à
l’époque l’hystérie. Mais (persistant dans mon irrespect, excusé tout
de même par le fait que la cure de Freud fut un échec), je maintiens
avec Dora que l’explication donnée par lui de ses symptômes n’est pas
la bonne. En tous cas, si quelques bribes de vérité ont été atteintes
par le déluge interprétatif, c’est grâce à "l’effet harmonica" (que
je définis plus haut).
Quelles sont les causes
explicitées par Freud de ce cas d’hystérie ?... Elles vont de
l’hérédité syphilitique à l’audition du coït (essoufflé) parental, en
passant par la masturbation infantile, le fantasme refoulé de
fellation, le désir inavoué pour le père, l’homosexualité et le
sadisme. Ce sont là ces « passe-partout », comme il l’écrit à Fliess à
propos du cas Dora qui sont supposés cadrer tout à fait avec sa « collection ».
Comment s’en sort-il, Freud,
de ce manque de linéarité causale ?... Très bien, comme toujours. C’est
que, pour faire un symptôme, il faut plusieurs causes. C’est la « surdétermination ». (Voir les Etudes sur l’hystérie
). Mais il faut croire que cette liste de déterminations pourtant
copieuse a paru insuffisante à Dora. Le grand devin croyait lui avoir
dévoilé tout le contenu sexuel de ses rêves et symptômes, soigneusement
refoulé par sa soi-disant « éducation morale » et déjà il se félicitait
du résultat, lorsqu’elle lui déclara : « Ce n’est pas grand’chose qui
est sorti ! ».
En réalité, le sexe est son
univers familier à cette petite. Elle baigne, elle macère dans le sexe
à longueur de journée, jusqu’à l’écœurement. Ce qui lui plaisait dans
l’attitude de Monsieur K. c’était les attentions qu’il avait pour elle
: cartes postales, fleurs, petits cadeaux. Peut-être ne détestait-elle
pas, à quatorze ans, sentir qu’il ne la voyait plus comme une enfant.
Quand se posa la question :
‘’comment faire pour devenir adulte?’’ Peut-être que le regard éloquent
d’un homme mûr fut un marchepied . Peut-être que la sexualité de Dora, non pas refoulée mais à fleur de peau,
a donné à ses remeriements une connotation équivoque. Mais de là à
accepter d’être prise pour un objet sexuel !.. Attention, monsieur le
balourd, je ne suis pas celle que vous croyez ! . Toutes les coquettes
connaissent ce jeu de chat et de souris. Sont-elles hystériques pour
autant ?...
A part quelques extra avec sa
belle-soeur, Freud n’avait aucune expérience des femmes ; sinon, ce
vieux coquebin de quarante-cinq ans ne se serait pas lancé dans cet
interminable parcours de sa Carte du Tendre
où Amour et Sexe ne font qu’un. Monsieur K. manque de violer Dora,
Freud fantasme longtemps sur l’érection qui dut accompagner le baiser :
il l’aime ! Dora, après sa rupture avec les K. aperçoit son ancien
soupirant dans la rue ; elle pâlit : elle l’aime encore. Ne lit-on pas
sous la plume du grand professeur cette sentence digne de la collection
Harlequin : « Les pensées (de Dora) culminent dans la tentation de se
donner à Monsieur K. en reconnaissance de l’amour et de la tendresse
qu’il lui a témoignés ces dernières années », et il s’attendrit à la
place de sa patiente sur le « souvenir du seul baiser qu’elle ait
jusqu’alors reçu de lui ».
S’il y a une chose qui a du
accélérer la fuite de Dora, c’est bien le manque de perspicacité de son
médecin concernant ses motivations profondes.
Dora n’a pas l’intention de
donner quoi que ce soit à quelqu’adulte que ce soit. Elle ne pense qu’à
elle. Lui en faire prendre conscience lui aurait certainement rendu
plus de service que tout ce discours à côté de la plaque (même si
Freud y avait mis plus de forme). De même, tout au long de
l’analyse il la crédite de sentiments de culpabilité, de remords : « Je
compris que, derrière les pensées qui accusaient tout haut son père, se
cachait, comme d’habitude, de l’auto-accusation », écrit-il contre
toute vraisemblance. Rien dans l’anamnèse ni dans ses rêves n’indique
de l’"auto-accusation". En cela elle est extrêmement moderne.
Responsable (elle essaie de l’être) mais pas coupable. Une fois de
plus Freud projette sur elle ses propres pensées (comme vient de le
lui reprocher Fliess).
Il faut dire qu’à l’époque de
cette analyse, Freud traversait une période de grand trouble. Il venait
de publier son livre L’interprétation des rêves
dans lequel il avait pris le risque d’exposer son intimité, escomptant
la compensation d’un large succès immédiat. Or, d’une part, le livre ne
se vendait pas, d’autre part la critique scientifique n’en parlait pas
ou se montrait dans l’ensemble méprisante ou hostile. L’écriture de ce
livre, jointe à son auto-analyse qu’il faisait parallèlement, avait
réveillé tout son passé de névrosé et sa petite enfance vécue sous le
signe de la honte. D’autre part, on sait par sa correspondance avec
Fliess qu’il avait probablement renoncé à tout rapport sexuel avec sa
femme pour ne plus avoir d’enfants. Et pour comble de misère la
brouille avec cet unique ami (et même plus dans ses fantasmes), son
confident, son « seul public » comme il disait lui-même, était presque
consommée.
La pauvre Dora était vraiment mal tombée !
Ce qu’elle exprime dans son
premier rêve – et qui saute aux yeux – c’est qu’elle en a plus qu’assez
de tout ce sexe. Si le rêve traduit un désir c’est celui d’avoir un
père qui se conduise comme un père et non comme un amant sans
scrupules. Elle veut une mère moins futile, moins lâche, moins aveugle,
moins complice des agissements intéressés de l’amoureux de sa fille.
C’est « l’ordre du jour de l’inconscient » comme le dit très
judicieusement Freud, mais il ne le respecte pas. Ce ne serait que « le
contenu manifeste » du rêve, destiné à masquer l’essentiel, et renvoyé,
au même titre que les « souvenirs écrans », au magasin des accessoires.
Pourquoi le "contenu
manifeste" aurait-il moins d’importance que les strates plus profondes
de l’inconscient ? Pourquoi l’inconscient n’aurait-il pas le droit de
décider lui-même de ses priorités ? Pourquoi, depuis que la
Psychanalyse existe, ne s’occupe-t-on que de la nappe phréatique et
plus du tout du fleuve qui coule au-dessus ?... Imagine-t-on un traité
d’horticulture dans lequel on n‘étudierait que les racines des rosiers
? Ou, dans une encyclopédie des fromages, le chapitre Gruyère ne serait
traité que par la forme ou la disposition des trous ?...
Dora était douée d’une forme
d’intelligence fort capable de comprendre le rôle de l’inconscient. Si
Freud lui avait fait confiance, s’il l’avait "écoutée" elle l’aurait
menée elle-même là où elle sentait des obscurités ; ce qu’elle essaie
de faire d’ailleurs tout au long de l’analyse.
Pourquoi ne pas la suivre
quand elle dit « non » ou « peut-être » ou « je ne sais pas » ou « il
n’est pas sorti grand’chose » ?... En revanche, ne faudrait-il pas se
méfier quand elle "marche" au quart de tour à certaines interprétations
?... Il y a pourtant de ces interprétations qui sont bien suspectes !
Par exemple, quand Freud analyse la pseudo-appendicite qui se solde par
l’apparition douloureuse des règles, suivie d’une longue période de
constipation accompagnée d’une résurgence de la boiterie. En quête de
la clef de l’énigme, Freud cherche sa signification sexuelle et pense
au « faux-pas » qui a pu être à l’origine de la jambe en difficulté. Il
demande donc quand l’appendicite était apparue, avant ou après la scène
du lac ? La réponse immédiate
et qui résolvait d’un coup toutes les difficultés, fut celle-ci : « Neuf mois après (souligné par Freud)... La prétendue appendicite,
continue-t-il, avait ainsi réalisé un fantasme d’accouchement... par
des douleurs et par l’hémorragie menstruelle ».
N’était l’impatience (j’ose
dire puérile) de résoudre « d’un coup toutes les difficultés »
l’analyste aurait du se rendre compte qu’il faut un minimum de temps
pour compter jusqu’à neuf. Quelque soit l’esprit coopératif de Dora
elle a eu à réfléchir, s’aider de repères : « Voyons... c’était au mois
de... Mars. La scène du lac a eu lieu fin juin ; ce qui fait : Juillet,
Août, Septembre etc.... » Ou alors, il faut supposer que connaissant la
monomanie de Freud (« Je savais que vous alliez dire cela ») elle
avait, avant la séance, fait sa propre analyse freudienne. La réponse
n’était donc pas un surgissement spontané de l’inconscient mais bel et
bien une construction consciente. Quand on a un don de
mimétisme corporel aussi prononcé que l’avait Dora, il n’y aurait rien
d’inattendu à ce qu’elle imitât aussi bien les manières de penser de
qui lui en imposait tant soit peu (en l’occurrence le Professeur). Et
comment ne pas croire que la situation analytique, encore si imprégnée
de suggestion hypnotique ne l’ait pas influencée ?... (C’est tout ce
processus que la Psychanalyse, réductionniste par nécessité, a subsumé
dans la notion de transfert). Peut-être même Dora avait-elle eu la curiosité de lire les écrits du Herr Doctor. En particulier sa contribution aux Etudes sur l’hystérie et la toute récente Interprétation des rêves ...
Il y a chez Dora comme chez
tous les êtres un peu complexes, une personnalité bis. Aucune des deux
ne "refoule" l’autre mais elles se manifestent successivement. Il y a
celle du projet, de la décision, tournée vers l’avenir et la liberté,
et celle des conditionnements, des habitudes paralysantes subies de
plus ou moins bonne grâce. Parler de principe de plaisir et de principe de réalité est un mauvais clivage (de même que pulsion de vie et pulsion de mort
). Prétendre que tout projet est un fantasme qui vise peu ou prou la
reviviscence d’un événement passé, participe d’une philosophie
contestable. L’enrôlement de toutes les
nuances de la motivation psychique sous la bannière du Désir prête à la
plus grande confusion. Le terme de désir ne rend pas compte de la
différence qu’il y a pour Dora entre souhaiter compulsivement que son
père quitte Madame K. et vouloir essayer de se débrouiller seule dans
la vie, en adulte, comme en témoigne le dernier rêve qu’elle apporte en
analyse.
Il faut relater ce rêve – plus
long que le premier – dans sa presque totalité : « Je me promène dans
une ville que je ne connais pas... J’entre ensuite dans une maison où
j’habite, je trouve (dans ma chambre) une lettre de Maman. Elle écrit
que comme j’étais sortie à l’insu de mes parents, elle n’avait pas
voulu m’informer que Papa était tombé malade. Maintenant, il es mort et
si tu veux tu peux revenir. Je vais donc à la gare et je demande
peut-être cent fois où est la gare. On me répond invariablement : cinq
minutes. Ensuite je vois devant moi une épaisse forêt dans laquelle je
pénètre, et je questionne un homme que j’y rencontre. Il me dit :
encore deux heures et demie. Il me propose de m’accompagner. Je refuse
et m’en vais toute seule. Je vois la gare devant moi et je ne puis
l’atteindre. Ceci est accompagné du sentiment d’angoisse que l’on a
dans un rêve où on ne peut pas avancer. Ensuite je suis à la maison.
Entre temps j’ai du aller en voiture, mais je n’en sais rien... La
femme de chambre m’ouvre et répond : Maman et les autres sont déjà
partis au cimetière. »
Pour Freud, la « façade du rêve correspond à un fantasme de vengeance contre son père ». Vengeance voilà un terme qu’il emploie très souvent dans cette analyse ; il fut ensuite absorbé par le "mot-valise" de sadisme
que son origine sexuelle permettait d’intégrer à ses "passe-partout".
Mais vengeance et sadisme appartiennent à un registre qui ne va pas
avec l’égocentrisme de Dora. Ils témoignent, dans un sens négatif, d’un
intérêt pour l’autre qui n’est pas son fait. En la créditant dans ce
rêve d’un esprit de vindicte contre son entourage, c’est encore lui
prêter des sentiments beaucoup plus altruistes que ce qu’elle exprime.
Se débarrasser de son père, en rêve, ne signifie pas vouloir le faire
souffrir mais plutôt : "puisque tu te désintéresses de moi, eh bien,
moi aussi je te quitte." Ce qui est, somme toute, une attitude plus
adulte que la vengeance.
Au moment où se produit ce
rêve, Dora se demandait pourquoi elle avait finalement raconté la scène
du lac à ses parents. « Désir morbide de vengeance », commente Freud.
Il ajoute qu’il « considère qu’une jeune fille normale vient à bout
toute seule de pareils évènements ». Pourquoi, alors, traite-t-il
d’hystérique la petite Dora de quatorze ans qui, après l’agression
sexuelle de Monsieur K. garda pour elle l’incident, continua à
fréquenter K. mais évita de se trouver seule avec lui ?... N’était-ce
pas là la réaction normale dont il parle ?...(Belle illustration de la
fable Le loup et l’agneau !)
La suite de l’analyse conduit
Freud au pot aux roses, soit le pseudo-accouchement, suite au « faux-pas » fantasmé avec le sieur K.
Dora écoute sagement
l’exposition présumée de ses motivations inconscientes. Elle voit
défiler une fois de plus les passe-partout du maître : organes génitaux
symbolisés par la gare, le cimetière, le vestibule, ainsi que par une
nouvelle boîte surgie à point nommé, ainsi que la clef qui la complète.
Dans l’épaisse forêt surgissent des nymphes (illustration de la
géographie sexuelle) amenant un fantasme de défloration...
A ce point du développement
Dora se remémore un fragment oublié du rêve : « elle va tranquillement
dans sa chambre et lit un gros livre qui se trouve sur son bureau ». Pour le devin qui sait si
bien lire en elle, le livre devient aussitôt un dictionnaire dans
lequel elle a puisé ses connaissances coupables des choses de la chair.
Il oublie ce que l’analyse avait pourtant mis en évidence sur la
science sexuelle de la jeune fille (la jeune cousine onaniste, la
gouvernante vicieuse, les confidences sans retenue de Madame K.) Le
gros livre ne peut pas tomber là comme les cheveux sur la soupe ; il
faut qu’il s’intègre à la théorie de la grossesse imaginaire. C’est
donc dans ces pages que Dora a trouvé le mode d’emploi de
l’accouchement.
Cette explication avait pris
deux heures. Dora est K.O. « Aussi bien ne (me) contredit-elle plus »
dit-il. Il est très satisfait.
C’est à ce moment que se
produit le coup de théâtre fatal. En réponse à l’énoncé de son
contentement Freud reçoit cette réplique cinglante : « Qu’est-ce qui
est sorti de si considérable ? ».
Au début de la séance
suivante, le 31 Décembre 1900, Dora lui annonce qu’elle ne reviendra
plus. (Cet événement a dû provoquer chez Freud un séisme
quasi-millénariste car il s’obstina dans tous ses écrits à le situer le
31 Décembre 1899).
C’est la Bérézina. Il a une
heure pour sauver les meubles. Va-t-il persévérer dans l’explication
libidinale ?... Il se lance : Quand a-t-elle pris cette décision ? ....
Il y a quinze jours (ce qui correspond aux huit jours que donnaient en
France nos domestiques qui voulaient partir). Freud lui fait remarquer
qu’elle se conduit comme une domestique. De ce fait il lui donnera le
pseudonyme de Dora, comme se nomme la bonne de sa sœur.
Ida n’est pas trop vexée,
apparemment. La maligne avait gardé pour la fin une confidence qui
remet en cause toute la belle construction de Freud : la véritable
raison de la gifle à Monsieur K. est que celui-ci venait de séduire la
gouvernante de ses enfants, et celle-ci avait raconté la chose à Dora.
Or, comble de goujaterie, le séducteur les avaient gratifiées toutes
les deux de la même entrée en matière : « Ma femme n’est rien pour moi
». Après une dernière joute
entre les deux protagonistes où Freud met tout en œuvre pour avoir le
dernier mot et rabaisser la jeune fille, elle lui présente ses « vœux
les plus chaleureux pour la nouvelle année » puis elle s’en va vers son
triste destin, inaugurer le "martyrologe de la Psychanalyse" comme
l’écrit un auteur contemporain.
Comme on ne peut pas refaire l’Histoire, contentons-nous d’imaginer :
Si on prête une autre oreille à
ce que veut dire Dora dans ce dernier rêve, on y découvre un désir très
simple mais très fort, celui de quitter Papa et Maman et tout ce milieu
dissolu, et de se débrouiller seule. (Pour être juste, Freud, dans
l’ultime phrase du récit, effleure cette idée mais il la prolonge, à
tort, par un pronostic optimiste dû, bien entendu, au succès de la
cure). Ce désir de Dora est confirmé par un souvenir que lui rappelle
ce rêve : une visite à Dresde où elle refuse la compagnie de son cousin
pour visiter seule la ville .
Seulement voilà, elle n’en a
pas la force. La gare est loin, trop loin. Il faut traverser une forêt.
Tant pis, elle veut continuer seule. Elle voit la gare au loin mais
éprouve ce « sentiment d’angoisse que l’on a dans un rêve où l’on ne
peut avancer ». Du coup, elle régresse un peu. Elle est transportée à
la maison. Au cours de l’analyse elle se souvient d’un autre détail du
rêve : « elle se voit d’une façon particulièrement distincte montant
l’escalier ». (Tiens, elle ne traîne plus la jambe !). A l’abri de la
maison familiale, elle peut hardiment monter l’escalier jusqu’à sa
chambre où, orpheline sans tristesse, elle peut tranquillement
s’adonner à l’étude. N’est-ce pas une « solution de compromis » illustrant ce que Freud explique dans sa Traumdeutung ?...
Ce type d’explication au
premier degré, laissant de côté la référence obligée à la sexualité,
aurait-il aidé Ida Bauer plus que les subtilités freudiennes ?... (
Après la rédaction du cas Dora , Freud écrit à Fliess qu’il n’a jamais
écrit un travail aussi « subtil »).En tous cas, elle aurait eu
l’impression qu’on l’écoute, elle, Ida, et non un discours
préenregistré signé Sigmund Freud.
Bien entendu Freud s’est
interrogé sur les raisons qui ont fait fuir sa patiente ; mais à aucun
moment il n’a mis en cause son diagnostic ni la façon dont il a
confessé cette jeune fille. Non ; son erreur a été de ne pas avoir
repéré à temps l’installation du transfert, cette découverte récente qui est devenue par la suite la clef de voûte de la cure psychanalytique.
Le transfert est, comme son nom
l’indique, le report sur l’analyste des affects sexuels jadis vécus par
le névrosé à l’égard d’un de ses parents. Ce phénomène est, paraît-il
incontournable. On tombe "transféré" sur le divan comme on tombe
amoureux dans la vie. Et Freud n’aurait pas pensé à recevoir Dora dans
sa chute transférentielle...
Et si, au lieu d’être en quête de situations déjà vécues, elle n’était pas plutôt avide de vivre ce qui lui a manqué ?...
Cette parenthèse refermée, il
faut reconnaître l’évidence. Celui qui fait profession d’un savoir
reconnu sur l’Homme en général et sur son patient en particulier (dont
l’immaturité affective est accentuée par la situation analytique), peut
être investi d’une aura qui rappelle la toute-puissance parentale. La faiblesse appelle la force
et ce genre d’expérience en dit long sur les phénomènes de leadership,
les gourou, les créateurs d’idéologies. On remarquera que l’impact sur
le public peut se passer de la présence réelle. La médiation par le
texte est on ne peut plus évidente. La parole écrite de Freud a le don
de vous transporter comme ne l’ont jamais fait, sans doute, sa présence
et sa parole physiques. Dans Psychologie collective et analyse du moi
Freud a envisagé le problème du leadership. La démonstration est
intéressante, malheureusement prisonnière de sa monomanie sexuelle. Car
l’mmense lacune, fondamentale, qu’on peut trouver (comme Jung par
exemple) à la Psychanalyse consiste à ramener toute forme d’énergie
psychique à l’énergie libidinale. In libido veritas.
Même en étirant le concept jusqu’aux limites extrêmes de l’extension
permise, il n’est pas licite d’exclure des formes d’attirance qui
appartiendraient au social et
rien qu’au social. Pourquoi l’espèce humaine, si apparentée à l’animal
par toute sa physiologie (y compris par sa sexualité) n’aurait-elle
pas comme lui des pulsions liées à la vie en société ? Explicitement, dans plusieurs
de ses ouvrages, Freud met sous nos yeux son infirmité foncière du
point de vue de l’agapè, de la générosité, du sentiment de communauté humaine,
(fondement de l’école de son disciple dissident Alfred Adler) malgré
sa prétention à faire de la Psychanalyse une « psychologie sociale ».
Dans les Essais de psychanalyse (1914),
son énumération des modalités du rapport à autrui est éclairante ;
elles sont au nombre de quatre, et seulement quatre : « modèle », « objet », « associé » ou « adversaire ». Avant d’en terminer avec
cette digression et de revenir au Cas Dora, je dois ajouter qu’il n’est
pas dans mon propos de vouloir minimiser la force de la pulsion
sexuelle ni de méconnaître la sensation d’absolu que procure sa
satisfaction génitale. Quant à l’appel inconscient à
satisfaction, s’il est brimé il y a conflit, c’est évident. Et là
aurait pu se trouver (surtout pour l’époque) le champ d’application
d’une psychanalyse ouverte, sorties des balises imposées par la
mégalomanie de Freud. Ayant mis le doigt sur quelque chose d’essentiel,
il n’a su ensuite que l’enfermer dans sa gigantesque paume d’airain. Il
écrit à Jung en 1908 : « Je ressens une aversion de principe contre la
supposition que mes conceptions sont justes mais pour une partie
seulement... Ce n’est pas bien possible. Entièrement ou pas du tout ».
Il réitère en 1909 en se plaignant de ses disciples qui « viennent avec
des productions autonomes ». Il justifie alors sa « tentative de
dictature littéraire » par le fait que « les gens ne peuvent se passer
d’être mis en laisse ».
Il y a chez Dora une excitation
sexuelle quasi permanente, remontant certainement à l’enfance et
entretenue par le climat dans lequel elle vit, ses conversations, ses
lectures, les confidences et les exemples des adultes. Aurait-elle été
guérie si elle s’était laissée déflorée et engrossée par K... ? Ou même
si elle avait retrouvé sur le divan l’origine lointaine de ses premiers
désirs ?... On a peine à le croire.
C’est tout son genre de vie
qu’il aurait fallu changer. La petite Bauer était handicapée par une
éducation laxiste, sans autorité et sans critères solides (comme on en
voit tant aujourd’hui) mais l’adolescente n’était pas dénuée
d’aspirations élevées. Elle raconte avoir vue à la Galerie de Dresde la
Madone Sixtine de Raphaël, et être restée « deux heures en admiration,
recueillie et rêveuse ». Freud qui a eu la même attitude devant le
Moïse de Michel-Ange, aurait pu respecter un tel geste. Au lieu de
cela, il ne vit dans cet épisode que : narcissisme (bien que le terme
n’existât pas encore) angoisse de défloration, fantasme de maternité
virginale, purification d’une jeune fille qui se croit sexuellement
coupable etc. mais, d’émotion artistique, pas la moindre trace.
On sait qu’Ida s’intéressa au
mouvement d’avant-garde de la Sécession. Peut-être aurait-elle pu
elle-même devenir peintre ou écrivain (ou même psychanalyste, qui sait
?...) La bourgeoisie juive de Vienne n’avait pas la même liberté
d’action que l’aristocratie ou la bourgeoisie de souche, mais
l’intelligence de la jeune fille et la fortune de sa famille aurait pu
lui permettre d’avoir un destin comparable à celui des jeunes femmes
libres de son temps, telles que les célébrait le portraitiste Klimt. (Pendant qu’elle peinait sur le divan de la Bergasse, une femme, la
première, fut faite Docteur Honoris Causa par l’Empereur, à
l’Université de Vienne).
Son handicap le plus grave
tient à son isolement social. Fréquentant exclusivement les membres de
sa famille, elle préféra finalement rester seule. Son frère Otto
qu’elle admirait tant eut un tout autre parcours. Issu du même contexte
pathogène, il trouva un équilibre en participant aux mouvement sociaux
de l’époque et devint un des leader du parti Social-Démocrate. Très
bienveillant envers sa sœur, il aurait pu lui ouvrir des portes si
celle-ci s’était donné la peine de le convaincre. Au lieu de cela, elle
se conforma aux critères machistes célébrés par Freud, échoua dans son
mariage, sa maternité et sa vie sociale, récriminant et se plaignant
sans cesse, jusqu’à mourir d’un cancer auquel personne ne crut.
Un médecin plus en phase avec
les divers mouvements d’émancipation, ou simplement plus intéressé par
la thérapie que par la théorie, animé non par le désir « d’empêcher le
monde de dormir » mais par le souci d’écouter et d’aider, aurait sans
doute abordé ces thèmes.
Bien différent fut le destin
d’une autre hystérique célèbre (une vraie celle-là), l’Anna O... de
Joseph Breuer. Beaucoup plus gravement atteinte qu’Ida Bauer, Bertha
Pappenheim présentait, en plus des paralysies classiques et des
troubles de la vue, des absences et des hallucinations. Ses symptômes
disparaissaient après qu’elle eut trouvé et verbalisé – avec une grande
charge affective, "cathartique" – l’origine de ses maux. Elle fut la
véritable découvreuse de la Psychanalyse, qu’elle appelait la « talking
cure ». Mais Breuer passa à côté de la composante sexuelle de sa
névrose. Pourtant il aurait dû être alerté par le nom qu’elle donnait à
ces séances bienfaisantes de catharsis : le « ramonage de cheminée ». (
Freud, appelé en renfort, ne retint que cela et en fit son cheval de
bataille). Il est certain que la très distinguée Bertha Pappenheim
aspirait à d’autres "ramonages" puisqu’elle accueillit un jour Breuer
par des douleurs d’accouchement, déclarant qu’elle mettait au monde son
enfant.
Quoiqu’il en soit, malgré
quelques vicissitudes psychiatriques – mais jamais abandonnée par
Breuer comme le prétend la légende – Bertha Pappenheim trouva un
équilibre et vécut longtemps et en bonne santé. Elle se consacra à la
protection et à l’émancipation des jeunes filles juives, tant par les
institutions qu’elle créa que par ses écrits. Son image figure dans une
collection philatélique allemande parmi quatre « bienfaitrices de
l’humanité ».
Son médecin (généraliste)
Joseph Breuer était un homme intelligent et d’une grande bonté, mais
modeste. Sa générosité envers Freud ne lui apporta qu’ingratitude. Bien
qu’il pratiquât l’hypnose, il laissait parler sa patiente et ne lui a
jamais imposé ses interprétations. L’observation clinique publiée sur
l’insistance de Freud est très éclairante. (Y manque cependant
l’épisode de la grossesse imaginaire, raconté par Freud beaucoup plus
tard, de vive voix). On y apprend que la malade était d’une « bonté
compatissante », qu’elle « prodiguait ses soins aux malades et aux
pauvres gens, ce qui lui était à elle-même d’un grand secours dans sa
maladie ».
Bertha Pappenheim... Ida
Bauer... Deux destins, deux thérapeutes. Chacun a eu sans doute (ou
fait) l’hystérique qu’il méritait.
La postérité a préféré le panache empoisonné du conquistador ...
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